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  • Déconfinement du 11 mai : des AESH en panique

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    Grosse colère de la part d'un collectif d'AESH qui redoute d'être envoyé au front sans les protections nécessaires. L'accompagnement d'un élève handicapé exige en effet une très grande proximité. La profession se dit inquiète.

     

    « Non, monsieur le Premier ministre, nous ne voulons pas crever ! ». Interpellant Edouard Philippe, le Collectif AESH national CGT educ'action n'y va pas avec le dos de la cuillère. « Nous sommes à côté des élèves, ils nous crachent dessus, nous devons parfois les prendre dans nos bras, les porter, les moucher, se saisir de leurs mains, de leurs outils, les emmener aux toilettes, les habiller, les déshabiller…, explique Hélène Elouard, accompagnante d'élèves en situation de handicap, représentante de ce collectif. Et nous aurons juste des masques grand public, donc pas totalement protecteurs, face à des élèves de primaire ou maternelle qui n'en n'auront pas ? ». « Ce sont aussi des visières et des surblouses dont nous avons besoin », insiste l'AESH. Dans ce cas précis, comment mettre en place la « distanciation sociale » qui, depuis quelques semaines, s'est invitée dans toutes les bouches ? « Irons-nous travailler en nous mettant au fond de la classe sans nous approcher des élèves, sans leur parler ? », questionne le collectif.

    Conditions sanitaires strictes

    Dans son discours relatif à la stratégie nationale de déconfinement du 28 avril 2020 (article en lien ci-dessous), Edouard Philippe a réaffirmé la réouverture des écoles le 11 mai et celle des collèges (pour les élèves de 5e et de 6e) le 18 mais peut-être pas de manière uniforme sur tout le territoire et sur la base du volontariat. Ce retour sur les bancs de l'école ne pourra se faire que dans des « conditions sanitaires strictes », promet-il : pas plus de quinze élèves par classe, distribution de gel hydroalcoolique et de masques pour les personnels. Le masque sera « prohibé à l'école maternelle et pour tous les enfants de moins de 3 ans » et « pas recommandé à l'école élémentaire sauf pour des cas particuliers (élèves qui présentent des symptômes) ». En revanche, il sera obligatoire pour les collégiens.

    Hélène reste sceptique, redoutant que les AESH « peu cités, jamais considérés, sous-payés, méprisés » ne soient, une fois encore, les « oubliés du système ». Un premier coup de gueule avait été poussé en début de confinement, lors de la mise en place d'un improbable télé-accompagnement (article en lien ci-dessous). « Cette crise sanitaire a déjà mis en lumière notre pauvreté et notre impuissance, poursuit Hélène Elouard, car nous n'avions pas les moyens techniques et qu'il nous était impossible d'entrer en contact avec les familles ».

    Collègues « en panique »

    Impossibilité de télétravailler, impossibilité de retourner en classe ? Des « errances » qui en disent long sur le désarroi et la « colère » de cette profession qui, selon le collectif, « souffre » de « trop d'irrespect ! ». « Un défi presque impossible à relever dans les deux cas, admet Marion Aubry, présidente de TouPI, association dédiée aux personnes avec un handicap cognitif. Et je peux admettre que ces accompagnants n'aient pas envie de prendre le risque d'être contaminés lorsqu'on voit leurs conditions de salaire et de travail ». Hélène observe, en effet, des collègues « en panique ». Mais pour les parents qui doivent reprendre le travail ? Elle consent que certains n'ont pas d'autre option. Alors, au nom de ses collègues, elle dit « s'accrocher pour ne pas sombrer tout de suite... », attendant les directives des rectorats, mairies, du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), prises aussi selon « l'arrivée des masques » et, espère-t-elle, « un peu de bon sens ».

    Une trop grande proximité

    Pour Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation APF France handicap, la problématique des AESH, celle de la très (trop ?) grande proximité, est la même que celle des auxiliaires de vie à domicile, qui ont dû continuer à travailler au contact des patients parfois sans protection satisfaisante, au point que, pour éviter tout risque de contamination, certaines familles ont dû renoncer aux soins et faire seules, sans aucun relais. Elle dit donc « comprendre les craintes de ceux » qui ont « besoin d'être rassurés ». Puis ajoute qu'elle ne voit pas « ce qui les empêcherait d'intervenir au sein des écoles à partir du moment où les conditions de sécurité sanitaires sont bien en place ». Dans son avis du 24 avril, le Conseil scientifique Covid-19 s'est exprimé à ce sujet. Selon lui, une attention « particulière doit être portée aux enfants en situation de handicap » et « une réflexion spécifique doit être menée afin de permettre à ces élèves d'être accueillis à partir du 11 mai dans les mêmes conditions de sécurité sanitaire que les autres ». Il complète avec l'importance « d'adapter l'information et l'apprentissage des règles barrières à ces enfants, en prenant compte leur handicap ».

    Et les Ulis et IME ?

    « Les Ulis (Unités localisées pour l'inclusion scolaire) doivent ouvrir également, comme les autres, assure Bénédicte Kail dans la limite du consentement des familles et du respect de la sécurité », ajoutant qu'il « n'y a d'ailleurs pas de différence à faire car de nombreux élèves en situation de handicap n'ont aucune problématique de santé ». Qu'en sera-t-il des élèves accueillis dans des unités d'enseignement au sein des IME (instituts médico-éducatifs) en externat qui ont le plus souvent fermé ? Les enseignants de l'Education nationale seront-ils à pied d'œuvre dès le 11 mai ? « Il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement, répond Bénédicte Kail, tout au moins pour préparer le retour en classe même si les élèves n'arrivent que plus tard ». La semaine prochaine, le Cncph (Conseil national consultatif des personnes handicapées) doit envoyer un questionnaire aux parents d'enfants handicapés pour connaître leur point de vue sur cette rentrée programmée quelques jours plus tard. Un timing un peu serré !

    Des réponses à partir du 6 mai ?

    Le secrétariat d'Etat au Handicap assure, le 29 avril, que les « arbitrages relatifs au handicap sont encore en cours », qui doivent également tenir compte du degré local de contamination. Le comité technique du ministère de l'Education nationale planche de son côté sur ces questions et devrait rendre sa copie le 6 ou le 7 mai. Le Collectif AESH national CGT educ'action dit pourtant ne pas vouloir de cette « reprise qui n'est que garderie d'enfants ! ». Pour lui, pas d'autre option que le report : « Plutôt que de rater une réouverture précipitée, travaillons plutôt à réussir la rentrée de septembre », conclut le syndicat auquel il est rattaché.

  • La discrimination silencieuse des soignants, parents d’un enfant en situation de handicap

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    La discrimination silencieuse des soignants, parents d’un enfant en situation de handicap

    Depuis des semaines, chaque soir, à 20 heures, les français applaudissent les personnels soignants ou du secteur médico-social, qui sont en première ligne pour combattre l’épidémie et sauver des vies.

    Parmi eux se trouvent des parents d’enfants en situation de handicap. Ils ont le droit, comme les autres, de bénéficier des modes de garde organisés, sur chaque commune, pour assurer l’accueil de leur enfant. Sauf que pour un grand nombre d’entre eux, ils se heurtent aux mêmes phénomènes qu’ils connaissaient déjà avant le confinement, à savoir la réticence voire le refus de prendre en charge leur enfant, parce qu’il présente un handicap.

    Les raisons invoquées sont toujours les mêmes : méconnaissance du handicap, insuffisance de l’encadrement, manque de qualification, peur de mal faire, pas de moyens financiers pour renforcer l’équipe. Plus encore, la difficulté de leur enfant à comprendre le contexte et à respecter les gestes barrières devient un argument pour justifier du refus d’accueil.

    « Ce matin, à 9h30, le cabinet de la Ministre m’appelle pour gérer une situation de crise sur une grande métropole française », confie Laurent Thomas, responsable de la Plate-Forme Tous Mobilisés. « Anne, infirmière libérale, se trouve devant l’entrée de l’école où est organisé l’accueil collectif pour les enfants des personnels prioritaires. Trois personnes de la mairie lui bloquent l’entrée. Elle a deux enfants autistes. Ils acceptent son aîné, mais pas son petit frère, parce qu’il n’a pas le langage et présente ce qu’ils nomment des troubles du comportement. J’appelle la maman sur son portable. Elle est en larmes. Les patients de sa tournée, dont une partie sont atteints du covid-19, l’attendent. Elle est déjà en retard. Le responsable du site lui demande de faire sa tournée avec son enfant ! ».

    En moins de trentre minutes, la Plate-Forme, en lien avec deux associations locales spécialisées dans l’accompagnement des familles ayant un enfant en situation de handicap, trouve une solution et depêche deux intervenants, sur le site, pour renforcer l’équipe du lieu d’accueil et prendre en charge Mathis.

    L’après-midi, une réunion en visio-conférence est organisée par la Plate-Forme Tous Mobilisés avec la Mairie, la maman et les associations locales. « On est dans un autre monde », se désole Laurent Thomas, « tout semble compliqué ou impossible« . Entre 8h30 et 12h, l’enfant est pris en charge par l’enseignant et l’AESH. Mais rien n’est prévu sur le temps périscolaire, entre 8h et 8h30, sur le créneau du midi, le temps que la maman finisse sa tournée, ni le mercredi matin. La suggestion de faire embaucher l’AESH par la Mairie se heurte aux compléxités de recrutement : « cela prend entre deux et trois semaines, pour suivre le processus RH, vérifier la moralité de la personne… » indique la responsable du service éducation de la Mairie. Une association spécialisée dans le répit des familles propose un intervenant sur l’ensemble des temps : « Oui, mais il faut établir une convention et qui va prendre en charge les coûts ? », renchérit la responsable du service éducation.

    Finalement, en fin de journée, sous la pression conjuguée de la Plate-Forme, du cabinet de la Ministre et de la Préfecture, une solution est trouvée. La Mairie embauchera un vacataire qui s’occupera de Mathis sur l’ensemble des temps périscolaires. Sauf que cette personne ne connait pas Mathis, n’a aucune expérience auprès d’enfants en situation de handicap et n’aura sans doute aucun soutien pour l’aider dans cette prise en charge. Mais la maman n’a pas le choix. C’est donc la boule au ventre qu’elle va déposer, chaque jour, ses enfants, parce que sa mission est d’être en première ligne, mais elle sait, au fond d’elle même, qu’elle envoie aussi ses enfants en première ligne, avec leurs fragilités, sans savoir si leur prise en charge sera bienveillante.

    Une histoire parmi d’autres ? En l’espace d’une semaine, la Plate-Forme a reçu 15 autres situations analogues. Dans la majorité des cas, les parents ont du se mettre en arrêt, privant ainsi nos services de santé de leurs compétences et de leur engagement. D’autres ont fait appel à des services d’aide à domicile, mais c’est 25€ de l’heure en moyenne. Pour le moment, la Plate-Forme assure, dans la plupart des cas, la garantie financière, le temps qu’un financement soit trouvé… sans aucune certitude.

    Ces situations, les parents ayant un enfant en situation de handicap les connaissent bien, conduisant la plupart d’entre eux à renoncer à ce droit d’accès aux lieux d’accueil collectifs. « Mais qui aurait pu imaginer, qu’en cette période de crise sanitaire majeure, on fasse subir aux soignants, qui chaque jour sauvent des vies, cette pression, particulièrement violente et intolérable en raison du handicap de leur enfant ? », conclue Laurent Thomas. 

    La Plate-Forme a saisi le Défenseur des droits, et continue, chaque jour à accompagner les familles et leur trouver des solutions, au cas par cas…

     

    > La Plate-Forme TOUS MOBILISES accompagne les soignants ou personnels prioritaires à trouver une solution de garde pour leur enfant en situation de handicap : 0 805 035 800