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  • Dépistage prénatal de l'autisme : menace d'extinction ?

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    Les personnes autistes pourraient-elles être menacées par un dépistage prénatal massif, à l'instar de ce qui s'est fait pour la trisomie 21 ? Les évolutions scientifiques et sociales vont dans ce sens. Vers un modèle unique d'humain toléré ?

     

    Auteur : Amélie Tsaag Valren, enseignante en éducation aux medias à la Sorbonne nouvelle Paris 3

    Vers l'extinction des personnes autistes ? Une étude taïwanaise, discrètement parue début 2020, laisse planer cette menace... Sur 333 mères d'enfants autistes interrogées sur la possibilité de recourir à une amniocentèse pour détecter le « risque d'autisme » entre leur 16e et leur 20e semaine de grossesse, deux tiers se disent favorables à l'accès à ce test et plus de la moitié (53,1%) choisiraient d'interrompre leur grossesse. Les auteurs de cette étude estiment ses résultats applicables aux autres pays de culture chinoise, ainsi qu'aux pays occidentaux…

    S'il est un sujet qui semble devoir rassembler urgemment les personnes autistes de tous les pays, c'est bien celui sur le dépistage prénatal de ce trouble. S'il venait à être autorisé à grande échelle, les sujets tels que la scolarisation, l'accès aux soins, l'emploi risqueraient de devenir secondaires, puis caduques. De bien sombres lendemains, à l'image de ce qui s'est produit pour la trisomie 21 ?

    Le modèle trisomie 21

    Dans les années 1970, apparaît un grand débat sur la notion d' « avortement eugénique ». En 1975, la loi Veil institue une différenciation entre IVG (interruption volontaire de grossesse) et IMG (médicale, qui est autorisée jusqu'à la veille du jour de la naissance en cas de détection d'une maladie ou d'un handicap grave, dont la trisomie 21). Dans les années 80 et 90, on assiste à une acceptation sociale progressive de l'élimination des personnes trisomiques avant leur naissance et, en 1997, le dépistage systématique est pris en charge par l'Assurance maladie. Depuis, l'avortement des fœtus suspectés de trisomie 21 est majoritairement acceptée par la société, et une croyance ancrée chez les médecins veut qu'il s'agisse de la « meilleure » solution. En 2017, en Islande, on observe une disparition totale de la T21 via un recours à 100 % à l'interruption de grossesse. L'acceptation sociale de l'IMG est donc nettement plus forte aujourd'hui que dans les années 1970. En s'inspirant de cette évolution, on peut reconstituer un schéma de progression vers l'éradication des personnes autistes dites « sévères » en France. Inquiétant ? Dans les années 2010, ont lieu les premières expérimentations d'IMG ciblées sur une variation chromosomique associée à 1 % des personnes autistes.

    Des hypothèses sérieuses

    Dans la décennie à venir, on peut légitimement imaginer le scénario suivant… Tout d'abord, le passage du statut expérimental à celui de procédure légale sur les seules variations génétiques bien identifiées, sans remboursement de la sécurité sociale dans un premier temps à l'occasion d'une révision de loi bioéthique, avec une scission entre les Asperger/haut niveau (considérés comme étant à garder) et les « sévères » (à éliminer) selon des critères de probabilités de sévérité du handicap. La fiabilité des prédictions du niveau de handicap pourrait s'affiner très rapidement car les financements et investissements en recherche sur ce type d'études sont très importants. En revanche, les études sur l'acceptation sociale des personnes autistes vivantes resteraient pas ou mal financées. Et, d'ici quelques années, la société pourrait exiger le remboursement du dépistage prénatal de l'autisme dit « sévère » par l'Assurance maladie, arguant que l'autoriser sans le rembourser relève d'une injustice sociale. A terme, ce serait la disparition des ressources éducatives destinées à ce public et des études en sciences sociales, ainsi qu'une forte stigmatisation et dégradation sociale des parents qui ont fait le choix de les « garder » ces enfants. Bien sûr, cette perspective reste hypothétique…

    Pourtant, l'Hôpital privé américain de Paris, à Neuilly-sur-Seine (92), pratique un dépistage prénatal « de l'autisme », à titre « expérimental », au moins depuis 2018. Le docteur Géraldine Viot, qui pratique des bilans génétiques chez des enfants atteints de troubles du neurodéveloppement, en particulier déficience intellectuelle et autisme, explique dans une interview accordée au Monde en septembre 2018 que « si on trouve une microdélétion connue pour être associée à des troubles autistiques et que ce remaniement est confirmé à l'amniocentèse, l'indication d'une interruption médicale de grossesse sera discutée avec la patiente ». Une analyse interne révèle que 85 % des parents y seraient favorables.

    Un terrible message

    Alors que la communication officielle du secrétariat d'État au Handicap consiste à répéter la formule « société inclusive », l'inverse se profilerait-il avec une société eugéniste dont toute différence humaine sera éliminée, sur la base d'un calcul de probabilités de « coût pour la société » de la personne à naître. Pourquoi investir dans une école inclusive si vous pouvez éliminer le « problème coûteux » à la source, avec une forte acceptabilité sociale des futurs parents, tout en enrichissant les laboratoires qui commercialisent leurs tests prénataux ? Dans son rapport « Rights of persons with disabilities » de décembre 2019, la rapporteuse spéciale des Nations unies au handicap, Catalina Devandas-Aguilar, cite l'autisme parmi les « conditions » susceptibles d'une sélection eugéniste. Accepter le dépistage prénatal de l'autisme en vue d'une IMG reviendrait à saborder, à terme, les efforts menés pour bâtir une société inclusive, notamment dans le cadre scolaire, sans compter le terrible message que ce « choix » délivre aux personnes autistes, à savoir que leur élimination, possible en théorie jusqu'à la veille du jour de leur naissance, serait préférable à leur existence.

    Un débat inexistant en France

    A ce jour, le débat autour du dépistage prénatal de l'autisme reste quasi inexistant en France, ce militantisme étant surtout anglo-saxon et québécois. Alors que 96 % des personnes trisomiques détectées en France ne naissent plus, nous connaissons aussi nombre d'exemples d'entre elles qui mènent des vies heureuses et accomplies. Interrogées à ce sujet, elles disent ne pas « souffrir » de la trisomie et qu'il ne s'agit pas d'une maladie. Pourtant, tant à l'égard des personnes autistes que des personnes trisomiques, il est martelé, à notre place, par des politiques et des psychiatres, que nous en souffririons en permanence… Comme le dit fort bien Josef Schovanec, autiste, philosophe, auteur, « c'est le rejet qui fait souffrir, pas l'autisme ». Un professionnel de santé avait un jour demandé à la chercheuse canadienne Michelle Dawson, « Quel est le pire aspect dans le fait d'être autiste ? ». « Être haïe », avait-elle répondu. Tout est dit. Éliminer une vie pour cause d'autisme, c'est valoriser une société normative, au sein de laquelle « un seul type de profil d'humain sera toléré », selon les mots de Josef Schovanec. A méditer…

  • Distanciation : les personnes aveugles en perte de repères

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    Comment trouver ses repères quand tout le quotidien est chamboulé et que l'aide n'est plus aussi spontanée ? Une épreuve pour les personnes aveugles qui appellent à un "après solidaire".

     

    Le mot est répété en boucle : « distanciation ». Certains pensent-ils que le handicap visuel serait-il contagieux ? C'est ce que redoutent les personnes aveugles qui, au quotidien, sollicitent  inconnus et passants en cas de besoin, s'accommodant d'un contact rapproché, d'un bras touché… Ces nouvelles habitudes sociales risquent-elles de compromettre leur mobilité, et surtout leur relation à l'autre ?

    Personnes handicapées impactées

    Si les limites imposées par un déconfinement progressif impactent des millions de Français, il est des publics pour qui ces contraintes sont source d'inquiétudes. Les personnes sourdes se demandent comment elles vont réussir à communiquer face à des visages systématiquement masqués (article en lien ci-dessous), les personnes autistes vivent difficilement la perte de leurs rituels tandis que celles avec une déficience visuelle ou aveugles vont devoir s'accommoder de ces nouvelles habitudes qui chamboulent un quotidien souvent très structuré. « Des problématiques trop rarement évoquées », selon Michel Vincent, président de l'Association des aveugles de France, alors qu'elles concernent près de deux millions de citoyens dans l'Hexagone.

    De l'aide à distance

    L'association Voir ensemble redoute qu'une « mise en œuvre trop stricte » du déconfinement « isole » encore davantage les personnes en situation de handicap visuel. A distanciation « sociale », elle préfère le terme de « physique » au motif que « nous avons plus que besoin, aujourd'hui, de lien social, d'entraide, de solidarité ». Or cette dernière s'en trouve altérée constate Luc, non-voyant, qui vit à la campagne et perçoit un vrai « malaise » : « Le changement d'attitude est flagrant. On sent que les passants sont moins réceptifs, et la méfiance est manifeste ». A la gare, un agent a accepté de déroger au protocole très strict mis en place par la SNCF : « Normalement, je ne devrais pas vous toucher et seulement vous guider à la voix », lui explique-t-il. « Trop risqué pour moi », répond Luc.

    Perte de repères

    Avec les nouvelles modalités de déplacement, ce sont aussi les repères spatiaux qui volent en éclat, imposant par exemple un sens de circulation dans les grandes surfaces ou des emplacements au sol pour assurer le respect des distances de sécurité. Valérie Haccart, déficiente visuelle, qui vit dans la métropole lilloise, doit s'en accommoder. Dans son magasin habituel, qu'elle connaît pourtant par cœur, elle se dit « complétement perdue » : « Impossible de trouver l'entrée, je me suis retrouvée devant des grilles fermées. Même galère pour sortir. » Sans compter la recrudescence de ruban de signalisation placé en hauteur qu'elle ne peut pas détecter avec sa canne et barre son chemin. Seul avantage, selon elle, sa canne, qui mesure 1m25, permet de conserver les distances du nouveau « mètre étalon ». Même déroute pour Luc pour qui faire ses courses est désormais un « parcours du combattant » quand il n'est pas accompagné. Il lui faut suivre des flèches au sol qu'il est incapable de voir… Ensuite, alors que les personnes déficientes visuelles utilisent fréquemment le toucher pour faire leurs courses en toute autonomie, les consignes actuelles risquent de limiter ces gestes.

    Une campagne de sensibilisation

    Dans ce contexte, l'association Voir ensemble entend « sensibiliser le grand public à l'importance de l'aide qu'il peut apporter aux personnes aveugles et malvoyantes même dans cette situation inédite ». Le 18 mai, elle a donc lancé une campagne de communication sur ses réseaux sociaux afin de mettre en avant quatre « gestes solidaires ». C'est d'abord continuer à proposer de l'aide dans la rue. Mais c'est aussi s'enquérir de la situation d'une personne à son domicile, encore plus isolée que d'ordinaire. Troisième geste : « Dans les commerces, quand vous rencontrerez une personne aveugle ou malvoyante, proposez-lui votre aide pour lui décrire les produits ». Enfin, l'association rappelle que la « déficience visuelle n'est pas un facteur de risque », que la « solidarité est contagieuse » et appelle à ne pas « confiner l'entraide ». Valérie, après un voyage en métro jusqu'à la gare Lille-Flandres, se dit tout de même rassurée. Un peu déboussolée, elle a trouvé l'assistance escomptée tandis que, lors d'une balade, des passants qui la pensaient égarée lui ont offert leur aide « aimablement ».

    Respect des gestes barrière

    Le déconfinement pose aussi de façon très concrète la « question du respect ou plus exactement de la bonne compréhension des gestes barrière », poursuit Michel Vincent. Les personnes déficientes visuelles ne font pas partie des personnes vulnérables mais leur façon d'aborder le monde et les autres, sans voir, peut représenter un danger supplémentaire. « Chez nous, nos yeux sont au bout de nos doigts, ne pas toucher pour nous, c'est comme vous mettre perpétuellement un bandeau sur vos yeux, à vous, voyants ». Un exemple très concret : éternuer dans son coude ; c'est ce même coude qui est proposé à une personne aveugle pour la guider, au risque de l'infecter. Leurs professionnels (psychomotriciens, instructeurs en locomotion et en activité de la vie journalière, médecins…) ont donc réalisé une série de documents, affiches, vidéos, tutoriels métiers précisant les gestes barrière et de solidarité en direction des personnes aveugles. Par exemple, donner la priorité aux personnes handicapées, les guider verbalement, expliquer une situation avec les termes appropriés, autoriser l'accès aux chiens-guide…

    Des mesures compensatoires

    Voir ensemble demande par ailleurs que « des mesures compensatoires » soit mises temporairement en œuvre, comme un accès facilité pour ce public aux VTC et taxis. Rappelons que le Fiphfp (fonds dédié à l'emploi des personnes handicapées dans le public) a mis en place une aide qui a pour objectif de favoriser le travail à distance pour les travailleurs handicapés qui ne sont pas habituellement en télétravail tandis que l'Agefiph (son homologue dans le privé) propose de compenser les difficultés de transport (transport adapté, mise en place du co-voiturage), à analyser au cas par cas (article en lien ci-dessous).

    Reste un problème soulevé par Luc, les boutiques de l'association Valentin Haüy, fournisseur de matériel adapté pour personnes aveugles et malvoyantes, ont fermé leurs portes depuis le début du confinement, y compris en ligne ; « Aucune commande ne sera traitée », précise le site. « Parce qu'ils ont le monopole sur certains produits », impossible pour lui, par exemple, de se fournir en embouts tournants qui se fixent à l'extrémité de sa canne canadienne.

    Plus de 100 km autorisés

    Dernier point, le 15 mai, le gouvernement a annoncé que « pour le répit et l'accompagnement des personnes handicapées », la limite des 100 km à vol d'oiseau ne leur est pas imposée (article en lien ci-dessous), sous réserve de remplir la déclaration de déplacement dérogatoire et de cocher la mention correspondante (cas N°4). Cela concerne « tous les handicaps », assure le secrétariat d'Etat au Handicap (article en lien ci-dessous). Après la Foire aux questions consacrée au confinement des personnes handicapées, ce dernier publie une FAQ pour répondre aux diverses interrogations sur le déconfinement (article en lien ci-dessous). Emploi, soins, allocations…

  • Amyotrophie, feu vert pour un traitement à 2M de dollars

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    Le géant pharmaceutique suisse Novartis a obtenu le feu vert pour Zolgensma, une thérapie génique pour l'amyotrophie spinale, le 19 mai 2020. Des discussions sont en cours pour la prise en charge de ce traitement, le plus cher du monde.

     

    La Commission Européenne a approuvé le traitement Zolgensma pour deux formes d'amyotrophie spinale pour les bébés et jeunes enfants de moins de 21 kilos, a indiqué le groupe suisse Novartis dans un communiqué. Mis au point par sa filiale américaine AveXis, ce traitement jugé très prometteur par la communauté médicale a cependant été au cœur de nombreuses controverses depuis son homologation en mai 2019 aux Etats-Unis.

    Une maladie (in)curable

    L'amyotrophie spinale est une maladie neurodégénérative grave, jusqu'alors considérée comme incurable. Les bébés touchés perdent rapidement les neurones moteurs pour des fonctions musculaires essentielles, telles que la respiration, la déglutition, la parole et la marche. Sans traitement, les muscles du bébé s'affaiblissent et évoluent progressivement vers une paralysie ou un décès, fréquemment avant le deuxième anniversaire. Administré par intraveineuse en dose unique, Zolgensma permet de s'attaquer directement à la racine génétique de la maladie.

    Thérapie la plus chère du monde

    Les thérapies géniques, un segment de la médecine en pleine expansion, consistent à introduire du matériel génétique dans des cellules pour corriger une anomalie dans un gène déficient, permettant de soigner des maladies grave pour lesquelles il n'existait jusqu'à présent pas d'options de traitement. Elles sont cependant complexes et coûteuses à produire, ce qui suscite des interrogations quant à leur utilisation à grande échelle, Zolgensma, la thérapie génique la plus chère au monde (2 millions de dollars) se trouvant régulièrement au cœur de débats.

    Des bénéficiaires tirés au sort

    En décembre, AveXis avait déclenché une polémique avec un programme destiné à faciliter l'accès au traitement. Face à une multiplication des demandes de parents en dehors des Etats-Unis, le laboratoire avait proposé de le mettre gratuitement à disposition d'une cinquantaine d'enfants sur la première moitié de 2020 dans des pays où il n'était pas encore homologué par les autorités de santé. Il envisageait d'aller jusqu'à une centaine de dossiers sur l'ensemble de l'année. Par souci d'équité, il avait proposé de sélectionner les dossiers à l'aveugle, pour ne pas favoriser un enfant ou un pays plutôt qu'un autre, compte tenu du nombre de doses limitées par les contraintes de production, avait expliqué le laboratoire. De nombreuses associations, dont l'AFM-Téléthon, s'étaient indignées de ce "tirage au sort" qui allait "mettre en compétition" des milliers d'enfants à travers le monde.

    AveXis a engagé des discussions avec les gouvernements et autorités chargées de la couverture des frais médicaux pour pouvoir mettre rapidement à disposition le traitement dans les différents pays de l'Union Européenne, précise le communiqué.