Les élèves handicapés exclus de la reprise scolaire

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Les enfants porteurs de handicap sont en théorie prioritaires pour retourner à l’école. Pourtant, de nombreux établissements leur refusent l’accès, évoquant la difficulté à respecter les gestes barrières, en particulier la distanciation.

« Si les enseignants n’ont pas le droit de s’approcher à plus d’un mètre des élèves, comment va faire Alexandre pour se laver les mains alors qu’il a un bras qu’il ne peut pas bouger ? Comment va-t-il faire pour s’installer dans son bureau tout seul ? Pour enfiler son manteau ? », s’interroge Sandrine. Même si son fils travaille beaucoup mieux à l’école qu’à la maison, elle avoue ne pas avoir insisté auprès des enseignants pour qu’il réintègre les cours : « cela m’aurait fait du bien, mais pas forcément à lui. Il aurait voulu revoir ses copains mais vu les conditions, aurait-il vraiment passé du bon temps ? », hésite-t-elle.

Protocole sanitaire

Mère au foyer de 31 ans, Sandrine vit à Beaufort-Blavincourt, dans le Pas-de-Calais, où elle s’occupe son enfant handicapé moteur en classe de CP. À 7 ans, Alexandre était censé retrouver ses camarades jeudi 14 mai. « J’étais prête à le remettre à l’école à temps partiel, pour qu’il étudie le matin, et que je lui fasse sa rééducation l’après-midi. Mais dès que j’ai lu le protocole sanitaire, j’ai émis des réserves », confie la jeune mère. Elle a demandé des précisions au personnel éducatif mais reste sans retour depuis une semaine. Pas question pour elle en effet que la situation s’éternise. « D’ici septembre, il faudra trouver une solution ! », tempête-elle.

Une colère partagée par Sonia Ahehehinnou, administratrice nationale et porte-parole de l’Unapei (Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis), qui souligne qu’il « n’y a pas de raison pour que les familles des enfants en situation de handicap soient obligées d’attendre et pas les autres ». En association avec la FCPE, elle a adressé le 15 mai un courrier au ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, et à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, pour réclamer « des mesures garantissant une continuité pédagogique pour tous les enfants ». L’APF France handicap et le CNCPH (Conseil national consultatif des personnes handicapées) lancent de leur côté une enquête « pour avoir une vision plus effective de la situation », explique Diane Cabouat, vice-présidente du CNCPH.

Accueil différé

Car, une semaine après la rentrée, l’ambition affichée par le ministre de l’Éducation de faire une priorité du retour à l’école des élèves en situation de handicap, reste difficile à réaliser. « Bien sûr, nous accueillons dans toute la mesure du possible les enfants porteurs d’un handicap mais il est difficile de demander à des élèves scolarisés dans une unité spécialisée, en Ulis, de rester sans bouger derrière leur table, comme l’exige le protocole sanitaire. », explique Philippe Delorme, secrétaire général de l’Enseignement catholique. Pour faciliter l’appropriation des gestes barrières par les élèves, le Ministère de l’Éducation nationale a adressé des fiches à « l’ensemble des adultes présents dans l’école ».

Malgré ces efforts, Bénédicte Kail, conseillère nationale éducation familles chez APF France handicap, constate que de nombreux établissements refusent d’accueillir les élèves porteurs de handicap, évoquant « l’incapacité de respecter les gestes barrières ». « Dans la Vienne, qui est une zone verte, des Ulis sont fermées. On dit aux parents que l’accueil des enfants nécessitant des accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) est différé, le temps d’étudier les situations au cas par cas », regrette encore Sonia Ahehehinnou.

Et cette pratique, selon elle, serait répandue sur l’ensemble du territoire national. Elle poursuit : « En Normandie, l’inspection académique a diffusé un courrier en interne disant que les enfants n’ayant pas intégré les gestes barrières seront refusés. » À tel point qu’en zone verte comme en zone rouge, déplore la porte-parole de l’Unapei, « la crise est en train de balayer tout ce qui a été mis en place pour adapter l’environnement scolaire aux élèves en situation de handicap »

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