Sclérose en plaques

..Il est probable que cette approche thérapeutique dans la sclérose en plaques ne modifiera pas dans un avenir proche le traitement de cette affection neurologique : ......

 
 

Un traitement a permis d'interrompre la survenue de rechutes chez des patients atteints d’une forme agressive de sclérose en plaques et à empêcher l’apparition de nouvelles lésions cérébrales à l’IRM.

AUTO-IMMUNITÉ. Une équipe canadienne est parvenue à totalement interrompre la survenue de nouvelles rechutes chez des patients atteints d’une forme agressive de sclérose en plaques (SEP) et à empêcher l’apparition de nouvelles lésions cérébrales à l’IRM. Publiés dans l’hebdomadaire médical britannique The Lancet, ces résultats spectaculaires ont été obtenus en ayant recours à une greffe de cellules souches fabriquées par la propre moelle osseuse du malade. On parle dans ce cas d’"allogreffe de cellules souches hématopoïétiques". Il s’agit dans un premier temps de forcer ces cellules à sortir de la moelle osseuse en utilisant des médicaments, puis à sélectionner parmi elles celles qui portent un marqueur particulier à leur surface appelé CD34. Il s’agit ensuite de faire table rase du système immunitaire du patient en lui administrant un cocktail de médicaments (chimiothérapie intensive et anticorps). Enfin, dans un troisième temps, on réalise par transfusion la greffe des propres cellules souches hématopoïétiques CD34.

Cette stratégie thérapeutique repose sur le fait que la sclérose en plaques est une pathologie neurodégénérative et inflammatoire d’origine auto-immune. En d’autres termes, chez ces malades, le système immunitaire prend pour cible la myéline qui forme une gaine entourant l’axone des neurones du système nerveux central. La gaine de myéline sert à isoler et à protéger les longs prolongements des neurones, comme le fait par exemple le plastique qui sert d’isolant autour de fils électriques. La SEP est notamment responsable de déficits moteurs et sensitifs, de troubles de l’équilibre, de douleurs, de troubles visuels et cognitifs. Touchant en majorité les femmes, la SEP se manifeste par des poussées, témoignant de l’inflammation ainsi que par une progression du handicap neurologique associée à l’atteinte des axones.

Une stratégie très agressive pour le système immunitaire

L’essai clinique réalisé par des médecins canadiens dans trois hôpitaux d’Ottawa et Montréal a été mené auprès de patients, âgés de 18 à 50 ans, atteints d’une forme agressive de sclérose en plaques (SEP). Tous avaient auparavant eu des poussées successives en début de maladie et présentaient de façon précoce un handicap assez sévère. Tous avaient une maladie évolutive malgré la poursuite depuis plus d’un an d’un traitement de fond par des médicaments agissant en modifiant ou modulant la réponse immunitaire ("immunomodulateurs") ou bloquant cette dernière ("immunosuppresseurs"). Enfin, la plupart avaient à l’IRM des signes d’inflammation cérébrale.

Plusieurs essais cliniques avaient déjà été menés chez des patients atteints de SEP et recevant une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques mais les résultats, qui portaient sur de petits effectifs suivis de surcroît pendant de courtes durées, étaient jusqu’à présent mitigés. Une impression battue en brèche avec les données aujourd’hui rapportés par l’équipe canadienne qui a, elle, utilisé un protocole bien plus agressif pour mettre au repos le système immunitaire. Un patient est décédé d’une complication hépatique et d’une infection deux mois après la greffe.

Une progression clinique stoppée chez 70 % des 24 patients de l’essai

Certes, l’étude canadien porte, elle aussi, sur une cohorte de seulement 24 patients atteints donc d’une forme agressive de SEP. Mais il s’agit du premier essai montrant une suppression complète de l’activité inflammatoire liée à la maladie sur une longue période chez des patients atteints de SEP. En effet, la greffe de cellules souches hématopoïétiques a eu lieu entre octobre 2001 et décembre 2009. Il ressort que 70 % des patients (17 malades) n’avaient plus de progression clinique de leur maladie neurologique après un suivi moyen de 6,7 ans. Chez 7 patients, la maladie a tout de même évolué, mais de manière modérée. Une amélioration des fonctions neurologiques a été globalement observée chez environ 40 % des patients après un recul de 7,5 ans après la greffe de cellules souches hématopoïétiques, ce qui représente un résultat "remarquable" étant donné leur mauvais état neurologique avant la greffe, note le Pr Jan Dörr (hôpital de la Charité, Berlin, Allemagne) dans un éditorial associé à l’article.

Un taux de mortalité encore trop élevé

Après un suivi de 13 ans post-greffe, les auteurs rapportent qu’aucune rechute ne s’est produite, pas plus que nouvelles lésions cérébrales ne sont apparues à l’IRM (314 clichés au total). En outre, le rythme de l’atrophie cérébrale, fréquemment notée au fil du temps chez les malades atteints de SEP, s'est ralenti pour atteindre celui habituellement observé chez des sujets sains.

Il est probable que cette approche thérapeutique dans la sclérose en plaques ne modifiera pas dans un avenir proche le traitement de cette affection neurologique, le taux de mortalité associée à l'allogreffe de cellules souches hématopoïétiques restant encore trop élevé. Cette procédure devra donc encore rester un traitement de sauvetage en attendant une harmonisation et une optimisation des protocoles ainsi qu’une amélioration de leur tolérance et sécurité d’emploi. Selon le Pr Jan Dörr, ce type de traitement ne devrait être réalisé que "dans des centres médicaux spécialisés à la fois dans la SEP et le traitement par cellules souches hématopoïétiques".

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