Drôle d'exercice qui invite des élèves à identifier des "monstres". Parmi eux, des siamois et un "nain". Le post fait scandale mais il s'agit, selon l'enseignante, d'une maladresse. L'APPT* appelle à réfléchir sur la visibilité du handicap à l'école.
« Voici 12 images qui représentent des monstres. A toi de faire 6 paires. » Parmi elles, il y a Shrek, un vampire, le monstre du Loch Ness, une sorcière… et un nain, en l'occurrence la photo d'André Bouchet, l'acteur qui incarne Passe-partout dans Fort Boyard. Figurent également dans ce jeu des frères siamois. Cet exercice imaginé par une enseignante de collège est publié sur son blog qui a vocation à proposer des supports pédagogiques à ses confrères. Débusquée par un internaute, la photo s'est répandue sur les réseaux sociaux mi-septembre 2020, suscitant une vague d'indignations… « Maladresse ou handiphobie décomplexée », s'interroge Pierre Deniziot, vice-président du conseil régional d'Ile-de-France, en charge notamment du handicap, lui-même de petite taille. « Qu'adviendrait-il si un enfant de petite taille se trouve dans cette classe ? Ses camarades le surnomment le 'monstre' ? La scolarité pour certains est déjà difficile, le jugement des autres parfois traumatisant. Ce serait bien d'enseigner l'ouverture d'esprit ! », tweete, quant à lui, Aube Anthony.
Un exercice hors contexte ?
Ce serait un exercice pris « hors contexte », se justifie l'enseignante, l'objectif étant, au contraire d'ouvrir le débat. Elle explique sur Twitter : « Ce choix d'image surprend souvent mais est volontaire. J'explique aux élèves que je ne considère évidemment pas cet acteur comme un monstre. En mettant un nain et un siamois dans le corpus d'image, je fais le lien avec l'étymologie du mot 'monstre', du latin 'mostrare', montrer. Pendant longtemps les personnages atteinte (ndlr, les fautes ont été laissées) d'handicap physique étaient mises au banc de la société, considérée comme des monstres, exhibées dans les foires. J'espère avoir atténué votre choc. » « Et si on regardait d'un autre angle, intervient Jacqueline, une internaute, sur Facebook. Certains enfants ont donc pensé que nain et siamois sont des monstres ». Il faut, selon elle, « leur expliquer pourquoi » ce n'est pas le cas et leur « apprendre » qu'ils ont eu « tort ». « Si on évite le sujet, ce même enfant pensera, jusqu'à l'âge adulte, que ce qui est différent est un monstre ! » Cette justification ne convainc pas tout le monde… : « Il y a d'autres manières de faire réfléchir au handicap », écrit un autre.
L'association dédiée réagit
Alertée, l'Association des personnes de petite taille a aussitôt réagi et contacté l'auteure de cette fiche. Interrogée par Handicap.fr, l'APPT se dit dans une « démarche de sensibilisation et de pédagogie et refuse toute accusation », même si elle admet, dans un premier temps, avoir été « outrée de cet amalgame qui rend difficile l'intégration sociale ». Elle assure que l'enseignante, ouverte au dialogue, a tout de suite reconnu sa « maladresse » et retiré sa page polémique, qui affiche désormais une « erreur 404 ». L'association regrette néanmoins que ce support pédagogique ait été publié, sur un espace public, « sans autre précaution ni même une seule explication » et assure que cette « image qui parle au présent alors qu'elle est censée aborder la vision du monstre depuis la nuit des temps » peut largement prêter à confusion, « même si l'objectif de cette enseignante est, en définitive, louable ». « Et nous ne sommes pas certains qu'André Bouchet soit très satisfait de faire partie de ce jeu des 7 familles », ajoute une représentante de l'association.
Du pain béni pour relancer le débat
L'association pointe le manque de visibilité et de sensibilisation sur le handicap, en particulier le nanisme dont on parle peu. Selon elle, « les associations du champ du handicap ont encore du boulot ! », notamment dans l'acceptation de la différence au sein de l'école. En février 2020, une vidéo avait fait un buzz mondial. « Donne-moi un couteau, je veux mourir ». On y voyait Quaden, un jeune Australien de 9 ans, harcelé en raison de son achondroplasie, une maladie génétique à l'origine d'une forme courante de nanisme, qui confiait vouloir se suicider (article en lien ci-dessous). Yarraka Bayles, sa mère, avait déclaré vouloir partager cet instant déchirant sur Facebook Live pour « montrer les effets destructeurs de la persécution sur un petit garçon de 9 ans qui veut seulement aller à l'école, avoir une éducation et s'amuser ». « Nain », « nabot », « minus » : ces mots, Othmane El Jamali, président de l'APPT, les a entendus trop souvent au cours de sa scolarité (article en lien ci-dessous). « Niveau injures, on prend très cher »,expliquait-il en 2017, fustigeant les humoristes « incapables de faire un spectacle sans parler de nains » et les films « où on les met dans le four, on les lance ». « Ce n'est pas en rencontrant 300 lycéens par an qu'on va rivaliser avec des millions d'entrées », se lamente cet intervenant dans les écoles. Selon l'APPT, cette nouvelle « maladresse » pourrait être du « pain béni » pour relancer le débat…