Quel impact du confinement sur les aidants accompagnant une personne en situation de handicap psychique ? Une étude pointe l'accroissement de l'anxiété, de l'épuisement et des symptômes dépressifs. Quand l'aidant doit, à son tour, se faire aider...
Le confinement, un facteur majeur de dépression chez certains aidants ? 53 % de ceux qui accompagnent au moins une personne en situation de handicap psychique présentent un « niveau de dépression significatif » depuis le 17 mars 2020. Un chiffre bien plus élevé que pour la population générale, qui « inquiète » les spécialistes. Ces résultats préliminaires sont issus de l'enquête lancée par l'unité Bref, spécialisée dans l'aide aux aidants au sein de l'hôpital du Vinatier de Lyon, et de l'Unafam, association dédiée aux personnes en situation de handicap psychique. 300 aidants ont répondu à un questionnaire en ligne mettant ainsi en exergue « les défaillances du système de soin en temps de crise » qu'ils doivent pallier depuis plus de huit semaines maintenant. L'objectif : comprendre l'impact du confinement sur ce public mais aussi sur la qualité de leur accompagnement.
Se former pour mieux accompagner
30 % des répondants déclarent avoir pris la décision d'accueillir leur proche à domicile ou d'aller résider chez lui pour mieux l'accompagner durant cette période de crise sanitaire. Pour Romain Rey, médecin psychiatre au centre hospitalier Le Vinatier, c'est un chiffre marquant « car cela traduit clairement le rôle majeur des aidants qui se positionnent souvent en première ligne pour soutenir leur proche ». Plus que majeur, un rôle salvateur. Encore faut-il qu'ils ne perdent pas pied... En effet, la psychoéducation des aidants (formation à la santé psychique et aux stratégies qui leur permettent de mieux faire face aux difficultés quotidiennes) a été classée par un rapport international comme le deuxième soin le plus efficace, après les traitements médicamenteux, pour la prévention des rechutes chez les personnes vivant avec une schizophrénie. Ces avancées confirment la place essentielle qu'occupent les aidants dans le parcours de rétablissement de leur proche.
De nouvelles difficultés
« Comment cet entourage vit-il le confinement ? Quid de ces familles dont le proche, souvent jeune, a décompensé durant cette période ? », s'inquiète Marie-Jeanne
Richard, présidente de l'Unafam. 75 % des aidants considèrent que cette situation engendre des besoins nouveaux ou des difficultés spécifiques pour leur proche. Des nouveautés auxquelles il faut savoir répondre, et vite, parfois sans y avoir été préparé. « Le relais vers les associations et la psychoéducation ne sont pas encore la norme. Les limites des dispositifs sanitaires actuels et le manque de relais disponibles conduisent l'entourage des personnes vivant avec un trouble psychique à devenir aidants sans qu'aucune aide ne leur soit proposée », ajoute-t-elle. Résultat, des proches épuisés, démunis et isolés, a fortiori dans ce contexte de distanciation sociale.
Les associations en soutien
Or, selon cette étude, seuls 27 % des aidants ont pris contact avec une association de famille pour y remédier. « Cela s'explique probablement par le fait qu'ils ont trop souvent tendance à concentrer leurs efforts sur l'accompagnement de leur proche, au détriment de leur propre santé », regrette Charles Lourioux, infirmier coordonnateur du réseau Bref. Un constat qui l'avait poussé à créer ce programme en 2016. « Bref s'attache notamment à répondre aux questions prioritaires et permet, en trois séances, de proposer des perspectives d'aide et du contenu personnalisés », précise-t-il. En outre, la durée de confinement semble aggraver la situation. En effet, 47 % des aidants ayant répondu au questionnaire durant le premier mois présentaient un « niveau préoccupant » de symptômes dépressifs, contre 59 % pour ceux l'ayant rempli à l'issue des trente premiers jours.
Plus réactifs en cas de reconfinement ?
D'autres données sont actuellement en cours d'analyse. En attendant, l'objectif est « d'identifier les aidants qui sont le plus en difficulté face à la crise sanitaire actuelle afin de les accompagner en priorité dès le déconfinement et dans les semaines difficiles que nous traverserons dans les mois à venir, conclut Romain Rey. Si la décision d'un nouveau confinement était prise, nous serions plus réactifs pour proposer de meilleures mesures de prévention et d'accompagnement. »