Confinement prolongé en cas de handicap sévère, réouverture des écoles mais quid des IME, prime pour le médico-social... Après le discours du chef de l'Etat du 13 avril, des interrogations émergent dans le champ du handicap. Un cap mais sans détail.
13 avril, 20h02, après les applaudissements. 36.7 millions de Français rivés devant leur petit écran pour savoir à quelle sauce ils vont être confinés. Emmanuel Macron prend la parole, 27 minutes durant… A la suite de son allocution, des interrogations ont émergé chez les personnes handicapées. Si, le chef de l'Etat a donné un cap, de l'aveu du secrétariat d'Etat au Handicap, les détails ne sont pas définis puisqu'il appartient désormais au gouvernement de fixer concrètement les contours. Pour répondre aux inquiétudes, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, s'est longuement entretenue dès le lendemain avec les présidents de grandes associations (APF, Unapei, Apajh...). Quel bilan ?
Des écoles rouvertes
Annonce pour le moins inattendue du chef de l'Etat, les écoles devraient rouvrir leurs portes de façon progressive à partir du 11 mai. Mais qu'en est-il des IME (instituts médico-éducatifs), des Sessad et des services de jour en direction des enfants en situation de handicap ? « Nous avons quinze jours pour organiser les choses » explique Jean-Louis Garcia, président de l'Apajh, après son entretien avec la ministre. Cette dernière a demandé aux associations de « travailler aux côtés du gouvernement » et notamment d'alimenter les travaux de Jean Castex, délégué interministériel nommé le 9 avril avec la lourde tâche d'organiser les stratégies de sortie du confinement. Cette reprise questionne les AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap), « qui sont dans une grande promiscuité, ayant des contacts physiques avec les élèves et leurs objets personnels (crayon, ordinateurs...) », explique Hélène Elouard, représentante collectif AESH National CGT Educ'action, redoutant d'être envoyés au « casse-pipe comme le personnel médical ». Elle interroge : « Comment le ministre compte-t-il faire ? Prévoit-il de mettre un masque aux élèves autistes ? Aux élèves de maternelle ? ». La CGT Éduc'action annonce qu'en l'absence de « sécurité sanitaire satisfaisante » elle « s'opposera à toute reprise prématurée » et considère que « les personnels seront fondés à appliquer leur droit de retrait ».
Un confinement prolongé
Une autre annonce a fait grand bruit. « Pour leur protection, nous demanderons aux personnes les plus vulnérables, âgées, en situation de handicap sévère, atteintes de maladies chroniques de rester même après le 11 mai confinées, tout au moins dans un premier temps », a déclaré le Chef de l'Etat, reconnaissant qu'il s'agissait-là d'une « contrainte forte » et promettant, d'ici le 11 mai, de « travailler à rendre ce temps plus supportable pour vous ». « Personnes malades chroniques et handicapées : ça nous fait une belle jambe..., s'indigne Ludivine Poivre, militante associative en situation de handicap. Nada côté délais. Et puis à quel âge on est vieux ? Il y a des vieux pêchus et d'autres pas. Idem pour les handi. »
De quelle manière seront définis le « handicap sévère » et la « maladie chronique » ? Cela concerne-t-il les personnes en institution ou vivant à domicile, ou les deux ? Pas de définition précise pour le moment. « J'ai tout de suite pensé aux personnes accueillies aux foyers ou maisons d'accueil spécialisés (MAS) qui n'ont jamais fermé durant cette crise car c'est là qu'il y a le plus de personnes cumulant plusieurs pathologies, poursuit Jean-Louis Garcia. Il est certain que, pour cette population, le confinement devra durer plus longtemps ». Pour autant, aucune échéance n'est encore fixée. « On le comprend un peu, ce n'est pas simple à gérer », admet-il.
Des familles déjà exsangues
Comment envisager cette perspective lorsque quatre semaines ont déjà éprouvé durement certains proches de personnes handicapées, malgré quelques allégements dans les dérogations de sortie pour ceux vivant à domicile (article en lien ci-dessous) ? De nombreuses familles sont exsangues et certaines personnes handicapées ont dû revenir en institution car les familles ne pouvaient plus assumer. Dans ce contexte, l'Apajh propose, par exemple, des temps de répit pour soulager les proches, sur des temps courts, de 3 à 5 jours, mais se pose le problème de la promiscuité dans les établissements puis du retour dans les familles, avec des risques de contamination. « Nous n'avons pas de quoi tester nos résidents, pas de masques en nombres suffisants. » L'association déplore une « phase de bricolage », selon les territoires, avec une « situation compliquée en Ile-de-France ». « On ne peut pas les accueillir sans savoir et les rendre à leur famille sans savoir », ajoute-t-elle. Emmanuel Macron a promis que, dans les prochaines semaines, le nombre de tests chaque jour allait augmenter, « d'abord pratiqués sur nos aînés, nos soignants et les plus fragiles ».
Une prime pour les pro du médico-social ?
Enfin, qu'en est-il de la valorisation de l'implication des professionnels du médico-social alors que les soignants du milieu hospitalier vont bénéficier d'une prime ? Jean-Louis Garcia n'a pas apprécié qu'Emmanuel Macron établisse, dans son discours, une hiérarchie entre les « première ligne, deuxième ligne »... Il juge ce propos « peu respectueux » envers celui qui travaille en MAS depuis un mois sans masque et sans protection, qui « peut faire valoir son droit de retrait mais ne l'utilise pas », se donne sans compter avec un « tout petit salaire » et à qui on annonce quatre semaines supplémentaires. Il s'est donc empressé de poster le lendemain matin un message valorisant sur les réseaux sociaux : « Vous êtes tous en première ligne ». Interrogée sur cette prime éventuelle, Sophie Cluzel s'est voulue rassurante sur le sujet. Affaire à suivre...
Quel avenir ?
Appelant à la « transparence », la ministre a déclaré aux associations : « J'ai besoin de vous ». Cette situation inédite a contraint le médico-social à s'adapter, à innover, à proposer d'autres variantes de l'accompagnement, notamment à domicile. Pourquoi ne pas mettre à profit cette crise pour aller plus loin ? Oui, répond l'Apajh mais « il ne faudra pas qu'on avance au sabre d'abordage et qu'on nous oblige à prendre des chemins pour nous mener où nous ne souhaitons pas aller ». Avant de conclure : « Mais, là encore, la ministre a voulu nous rassurer ».