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  • Handicap: rouverture des internats, retrouvailles à distance

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    Protocole stricte dans les internats pour personnes handicapées, en termes de visite ou de réintégration. Les familles se résignent à revoir leur proche à distance, pour leur sécurité.

     

    « Nous n'assignerons pas les personnes handicapées à résidence au prétexte de leur handicap » et il n'y aura pas « de règles de confinement spécifiques », assurait Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au Handicap, avant l'échéance fatidique du 11 mai 2020. Mais, pour certaines d'entre elles, le confinement ne s'est pas achevé à cette date, notamment dans les internats. Aussitôt, le Collectif handicaps, qui regroupe 48 associations, s'est saisi de cette problématique et lance un appel pour relayer les difficultés rencontrées : #deconfinementhandicap. Deux cas de figure pour les internats : organiser les visites des proches et ré-accueillir les résidents confinés dans les familles.

    Des protocoles abusifs ?

    Les consignes ont été données par le secrétariat d'Etat au handicap dans une foire aux questions spécial déconfinement (article en lien ci-dessous) mais certains directeurs d'établissements ont néanmoins appliqué leur propre protocole, parfois de manière abusive. C'est le cas dans la MAS (maison d'accueil spécialisée) parisienne qui accueille la fille autiste de Madeleine dont elle a été séparée durant presque huit semaines. On l'a informée qu'elle pouvait la reprendre à domicile pour le week-end mais à condition qu'elle reste en quatorzaine avant de réintégrer son centre. « Ce qui est stupide puisqu'elle peut être contaminée jusqu'au dernier moment », explique cette maman. Danièle Langloys, présidente d'Autisme France, témoigne de remontées similaires, avec des protocoles variables d'un établissement à l'autre. « Ce n'est pas général mais c'est peu supportable », assure-t-elle, mentionnant également des Esat qui exigent un certificat médical. « On continue de penser qu'une personne autiste est une personne malade...»

    Pas dans la doctrine

    Le cabinet de Sophie Cluzel répond : « Ce n'est pas dans la doctrine ». Les retours en famille le week-end sont autorisés, dans le strict respect des consignes sanitaires et des préconisations locales définies par l'ARS (agence régionale de santé) et après échange avec la famille permettant notamment de vérifier l'absence de symptômes ou cas contact. A leur retour, les personnes accueillies et leurs accompagnants font l'objet d'une prise de température frontale et d'un questionnement adapté. Les familles sont en outre sensibilisées aux mesures de protection sanitaire à mettre en place à leur domicile ou à l'occasion de sorties. En cas de problème, le cabinet de Sophie Cluzel encourage à « saisir les ARS ». « Mais comment peuvent faire les familles ?, interroge Danièle Langloys, d'autant que certaines hésitent à se plaindre pour protéger leurs proches… »

    Priorité aux familles épuisées

    Plus globalement, les établissements sont tenus d'adapter leur organisation pour permettre aux personnes accompagnées qui le souhaitent de sortir, au même titre que celles en situation de handicap vivant chez elles, et sont encouragés à « assouplir les mesures » mises en place durant le confinement. Le maintien prolongé de mesures générales de restriction, incluant un droit de visite encadré des familles, peut néanmoins être envisagé dans certains cas (personnes particulièrement vulnérables à des formes graves du Covid-19 ou territoires marqués par une circulation active de l'épidémie). Le déconfinement continue donc de se faire de manière « très progressive », selon l'Unapei, association de personnes avec un handicap mental, avec des protocoles suffisamment stricts pour assurer une protection optimale. Priorité a été donnée aux familles qui ont accueilli leur proche à domicile, par choix ou parce que leur structure avait fermé. Double objectif : répondre à la détresse de parents parfois « épuisés » tout en remettant rapidement en route le suivi rééducatif qui a fait défaut. Certains établissements ont alors dû mettre en place une quatorzaine avant de permettre au résident de réintégrer son centre. Mais cette transition s'est faite en « mode colo », précise l'Unapei, avec des regroupements dans des gîtes proposant des activités.

    Visites sous haute surveillance

    Et pour les visites ? Au sein des établissements des Amis de l'atelier, qui accueillent 3 000 adultes et enfants avec un handicap mental, psychique ou autistes, la reprise s'est faite « sous haute surveillance ». Quelques exemples ? A la MAS La Fontaine de Châtillon (92), le visiteur ne passe pas par l'accueil mais se rend directement à la salle d'arts plastiques où il s'équipe de surchaussures. Après un lavage des mains et une prise de température, il doit revêtir une charlotte, une surblouse, une visière et un masque. L'équipe lui remet ensuite un questionnaire santé et une charte à signer, dans laquelle il s'engage à respecter un certain nombre de points. Le résident ne peut profiter de ses proches que durant une heure, à distance, chacun d'un côté d'une table… Pour d'autres, les retrouvailles se sont faites dans le jardin. « Même si ce protocole est très contraignant, les familles sont très compréhensives et conscientes que c'est la condition pour préserver leur proche », expliquent les Amis de l'atelier. Même constat pour l'Unapei : « Aucune famille ne s'est plainte que nous en faisions trop ». Anne Gautier, du collectif Handi-actif qui rassemble 2 600 familles, observe, de son côté, peu de remontées problématiques pour les internats, contrairement au retour en externat ou à l'école, constat partagé par l'Unapei. Pourtant, Danièle Langloys rapporte le cas d'une maman dont le fils est en MAS qui se plaint de ne l'avoir toujours pas vu depuis trois mois. « Et elle n'est pas la seule », certifie-t-elle.

    D'autres moyens de communiquer

    « Une seule visite a été complexe mais c'était dû à l'état psychique de la personne », explique Odile Bousard, directrice du Foyer de vie l'Alliance, à Verrières-le-Buisson (91). « En effet, certaines personnes n'ayant pas eu de visites durant deux mois ont adopté de nouvelles routines, poursuit l'association, et certaines retrouvailles peuvent donc être déstabilisantes et entraîner des crises, des décompensations ou des débordements émotionnels. » Alors, une fois le résident ramené dans son unité, un accompagnant est là pour le réconforter. A la Résidence des Amis de Châtenay-Malabry (92), on leur explique que leurs proches seront équipés d'une « sorte de déguisement » ; les résidents, eux, ne portent rien pour que l'on puisse voir « l'expression de leur visage ». Mr Pautrat, chef de service du foyer de vie Les Lierres & Résidence accueil à La Garenne-Colombes (92) dit avoir constaté « beaucoup de demandes dès le début », et ajoute que « les résidents concernés ont été satisfaits de rencontrer leur famille, mais sans effusion, peut-être le signe d'un bien-être au sein du foyer ? ». D'autant que la communication n'a jamais été intégralement rompue. Comme dans les maisons de retraite, il a fallu déployer d'autres solutions via des appels en visio. Des petites « révolutions numériques », applicables également au suivi en télémédecine, qui pourraient inciter les équipes à s'approprier, à l'avenir, ces technologies au quotidien... Sans supprimer pour autant le lien humain !

  • Salariés à domicile: indemnité exceptionnelle versée en juin

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    L'indemnité exceptionnelle dédiée aux salariés à domicile est reconduite pour le mois de juin. Le but : les protéger contre le risque de perte d'activité et aider les particuliers employeurs en difficulté.

     

    « L'indemnité exceptionnelle dédiée aux salariés à domicile est reconduite pour le mois de juin », annonce le gouvernement. Objectif ? Les protéger contre le risque de perte d'activité et aider les particuliers employeurs se trouvant en difficulté à rémunérer leurs salariés.

    Pas de reconduction en juillet

    Pour les employeurs qui ne pourront pas assumer le coût des heures prévues et non travaillées par leur salarié au mois de juin, le dispositif reste identique à celui mis en place au début de la crise sanitaire. Ainsi, ils devront remplir le formulaire d'indemnité exceptionnelle, qui sera accessible sur les sites Cesu et Pajemploi à compter du 25 juin. Pour le mois d'avril 2020, la grande majorité des particuliers employeurs ont eu recours à ce dispositif : 713 127 demandes ont été réalisées pour le Cesu, soit une augmentation de 40 % et 341 900 demandes pour Pajemploi soit 20 % de plus qu'au mois de mars.

    En revanche, « ces mesures d'aide exceptionnelle ne seront pas reconduites en juillet », révèle le gouvernement dans un communiqué.

    Structures mandataires, un délai supplémentaire

    Depuis le 18 mai, les structures mandataires (entreprises ou associations) qui utilisent le système ASAP (aide et services à la personne), entièrement dématérialisé, pour leur déclaration, bénéficient d'un service spécifique concernant les particuliers employeurs pour lesquels elles effectuent les démarches administratives. Ces organismes disposent d'un délai supplémentaire pour effectuer la déclaration des heures de travail prévues mais non réalisées. Ce dispositif est également reconduit pour les mois d'avril, mai et juin. Les modalités déclaratives de la demande d'indemnisation, sont précisées sur le site de l'Urssaf.

  • Le certificat d’isolement, un coming-out forcé de son handicap ?

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    Pour se protéger d'une potentielle contamination, de nombreuses personnes souffrant de pathologies à risque ou leurs proches ont dû le révéler à leur employeur.

     

    Le certificat d’isolement donne de droit l’accès au chômage partiel. En précisant un peu mais pas trop son état de santé ou celui d’un de ses proches, ce dispositif protège. Mais il enfonce une digue dans la vie privée : la vigilance reste de mise. 

    Avant que Gloria, aide-soignante à domicile de 51 ans, ne remette son certificat d’isolement à son employeur, elle ne lui avait jamais parlé de son hypertension artérielle et de ses problèmes respiratoires. « Quand on veut un travail, il ne faut pas raconter sa vie. » Mais mi-avril, le médecin du travail la questionne, comme ses autres collègues, pour savoir si elle présente des pathologies à risque. Il la met en arrêt maladie, puis en chômage partiel.

    « Je trouve bien de pouvoir éviter une situation à risque. Mais ça me gêne que les employeurs connaissent la santé de leurs salariés, même si le certificat ne le précise pas, poursuit-elle. Après certaines allusions je me demande si le médecin du travail n’a pas raconté des choses. Peut-être qu’à l’avenir, on nous pointera du doigt, voire pire… »

    Le certificat d’isolement, un document à double tranchant

    Avoir la possibilité de ne pas travailler et d’être indemnisé pendant l’épidémie de coronavirus : la mesure est protectrice. Mais elle soulève des questionnements. Légalement, un salarié n’est en effet pas obligé de dire à son employeur qu’il est malade ou en situation de handicap, même s’il a une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH).

    « Un certain nombre de personnes souffrant d’un handicap invisible sont amenées actuellement à un outing forcé dans le cadre de leur entreprise », constate Éric T (son nom a été modifié). Adhérent à la Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSEP), il sait, pour l’avoir vécu, combien révéler un handicap peut être lourd de conséquences négatives, au lieu de déclencher des adaptations de poste. « Certes, les entreprises n’ont pas le motif exact. Mais que vont faire les employeurs de ces suspicions ? Un licenciement pour inaptitude, ce n’est pas très compliqué. »

    Dans les entreprises privées, le certificat d’isolement est obligatoire pour continuer à bénéficier du chômage partiel en cas de vulnérabilité.

    Ingrid Geray, avocate, confirme ce constat. « La mise en place et le bénéfice de ces dispositifs obligent le salarié à révéler au moins partiellement des éléments relatifs à sa santé et celle de ses proches. Mais l’employeur ne peut le questionner davantage puisque cela a trait à sa vie privée. De plus, il ne peut le contraindre à solliciter une RQTH, s’il n’en a pas .»

    Revenir au travail pour ne pas risquer d’être stigmatisé

    Une autre militante de la LFSEP souhaitant également rester anonyme témoigne, elle aussi. « Je connais une personne ayant un traitement immunosuppresseur qui n’a pas voulu de certificat d’isolement pour ne pas être “estampillée” fragile par son employeur et, du coup, stigmatisée. Elle est revenue au travail le 11 mai. » 

    Autre difficulté : le certificat d’isolement ne comporte aucune date de fin. La mesure court pour l’instant jusqu’au 31 décembre. Certaines personnes ayant remis ce certificat souhaitent reprendre le travail mais leur employeur leur a demandé de ne pas revenir. En témoignent certains lecteurs de Faire-face.fr, comme sur cet article

    Des employeurs tentés de prolonger le chômage partiel

    La tentation pourrait également exister, dans certaines entreprises, de prolonger plus que nécessaire les chômages partiels des personnes vulnérables ou proches de personnes vulnérables. Notamment, pour bénéficier plus longtemps des mannes de l’État. Le chômage partiel, dans ces cas, est de droit, et non corrélé à la situation économique de l’entreprise. Avec pour conséquence une baisse durable des revenus, dans les cas où l’employeur ne complète pas les 84 % du salaire net.

    Quid aussi des contrats à durée déterminée ou périodes d’essai qui prendraient fin durant cette période ? Avoir remis un certificat d’isolement ne risque-t-il pas de jouer comme un repoussoir à la signature d’une embauche à durée indéterminée, l’employeur pouvant craindre de nouvelles absences ou des incapacités ?  

    Des informations à délivrer avec précaution

    « L’équilibre entre protection des personnes et lutte contre les discriminations au travail est périlleux, surtout dans le contexte de fragilité économique actuel », souligne Carole Saleres, conseillère nationale emploi à APF France handicap.

    De manière générale, mieux vaut donc y aller avec précaution quant aux informations fournies à l’employeur. Et ne pas révéler plus que ce qui sera nécessaire au bon accomplissement de ses tâches (en cas de besoin d’adaptation du temps de travail, par exemple). « Mais dans tous les cas si l’employeur s’en sert contre le salarié celui-ci peut le poursuivre pour discrimination », rappelle-t-elle. 

    Après la révélation du certificat d’isolement, l‘occasion d’adapter son poste

    Par ailleurs, révéler certaines difficultés de santé peut aussi permettre de poser les choses avec son service RH, une fois de retour au travail, notamment afin d’envisager des adaptations de poste si besoin. « Mais il faut toujours bien en parler avec son médecin traitant d’abord et en mesurer la nécessité, au cas par cas. »

    Enfin, si le confinement se prolonge, existe un risque d’isolement non plus seulement physique mais aussi psychologique. « Le risque est important que les travailleurs en situation de handicap soient contraints de rester chez eux, alors que la majorité pourrait reprendre ou poursuivre leur activité professionnelle moyennant aménagements et sécurisation des collectifs de travail », écrivent APF France handicap et les autres membres de la commission emploi du CNCPH dans leurs préconisations sur la reprise d’activité. « Les psychologues des services de santé au travail ont un rôle important à jouer dans la période de reprise », y suggèrent-ils. Pour que protection ne rime pas avec discrimination.