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  • Déconfinement prudent dans les établissements pour enfants handicapés

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    Les établissements ont adopté des mesures de sécurité très strictes pour limiter les risques de contamination et rassurer parents et professionnels.

     

    Les établissements de jour pour jeunes handicapés reprennent du service… mais les mesures de sécurité limitent leurs capacités d’accueil. Environ la moitié des parents souhaitent leur confier à nouveau leur enfant. Illustration dans un IEM du Calvados et des IME du Doubs.


    L’IEM François-Xavier Falala, dans le Calvados, s’est montré très réactif.

    Sitôt déconfiné, sitôt redémarré. Mardi 12 mai, l’Institut d’éducation motrice (IEM) AFP France handicap d’Hérouville-Saint-Clair (Calvados), qui reçoit habituellement 88 jeunes en situation de handicap moteur avec des troubles associés, a rouvert ses portes. D’abord aux plus petits. La semaine prochaine, ce sera au tour des 12-16 ans. Puis, à celui des 16-20 ans, le 25 mai.

    Chez les 4-12 ans, douze des 26 filles et garçons ont déjà fait leur retour. À la demande de leurs parents. « Parce qu’ils estiment que leurs enfants en ont vraiment besoin, commente Béatrice Langlois, la directrice. Et qu’ils nous font confiance pour leur assurer un environnement sécurisant. »

    Un salarié pour chaque enfant accueilli

    Ils sont répartis, pour la journée, dans l’un des quatre petits groupes. À chacun sa salle pour limiter les contacts. C’est là qu’ils jouent et apprennent, comme avant la crise. Là aussi qu’ils déjeunent. « Le ratio d’encadrement est d’un salarié pour un enfant, ce qui permet de s’assurer du respect des gestes barrières », précise Béatrice Langlois.

    Par ailleurs, tous les professionnels sont masqués. Et les plus de 11 ans le seront aussi, s’ils le supportent. 

    Les jeunes restés à domicile continuent, eux, à bénéficier du suivi à distance mis en place durant le confinement. Et des visites de professionnels, si nécessaire.

    Transport assuré uniquement si besoin impératif


    Chaque véhicule ne transporte plus que deux enfants maximum par trajet.

    Pour le moment, au sein de l’IEM, seuls les soins indispensables sont assurés.

    Quant aux transports, ils sont réservés aux familles n’ayant pas d’autre solution. « Avant la crise, un véhicule transportait huit enfants. Désormais, pour des raisons sanitaires, c’est deux. Nous n’avons pas les moyens de démultiplier les trajets. »

    Un accueil à temps plein cette semaine

    Cette semaine, tous les garçons et les filles sont accueillis à temps plein. En sera-t-il de même la semaine prochaine ? Faudra-t-il passer au temps partiel ? Et/ou définir des critères de priorité ? Tout dépendra de l’évolution de la demande des parents. 

    Et puis aussi, dans un second temps, de l’assouplissement des règles en vigueur. Car le respect du protocole sanitaire est chronophage. « Les professionnels sont inquiets à l’idée d’être contaminés mais aussi d’être contaminants, souligne Béatrice Langlois. Pour limiter les risques et rassurer tout le monde, nous avons donc mis en œuvre de nombreuses mesures. Nous avons revu les déplacements, réorganisé les vestiaires, renforcé le nettoyage….»

    L’internat reste fermé

    L’établissement doit aussi composer avec les absences de salariés, ayant dû arrêter de travailler car à risque de développer une forme sévère de Covid-19 ou devant garder leurs enfants. Elles restent toutefois limitées : 8 sur un effectif de 82 personnes.

    Pour pouvoir mener de front accueil de jour et maintien du suivi à distance, la direction a décidé de ne pas encore ouvrir l’internat de 30 places. Le temps viendra…


    L’Adapei du Doubs compte 8 IME.

    Dans le Doubs, en zone rouge, les huit instituts médico-éducatifs (IME) de l’Adapei, qui accueillent habituellement 450 jeunes ayant des déficiences intellectuelles, autistes ou polyhandicapés, seront opérationnels à partir du lundi 18 mai.

    « L’État n’a dévoilé ses consignes que le 4 mai. C’était beaucoup trop court pour que nous soyons prêts le 11 mai », regrette Bruno Ubbiali, le directeur du pôle enfance et adolescence.

    Car entre temps, l’association a dû contacter chaque famille pour connaître ses souhaits. 60 % veulent que leur enfant revienne dans son IME : 45 % à temps partiel et 15 % à temps plein.

    Respecter la distanciation physique entre les jeunes


    La limitation du nombre d’enfants accueillis permet aux salariés de mieux accompagner le respect des gestes barrières.

    « Surtout, nous avons dû voir, établissement par établissement, quelle organisation mettre en place pour respecter les consignes de sécurité. Ce qui nous a permis de déterminer la capacité d’accueil dans chacun d’entre eux. » Capacité différente selon la taille des salles, la largeur des couloirs, le nombre d’entrées, la répartition des sanitaires… 

    Le ministère demande, entre autres, qu’il y ait, au maximum, 15 personnes accompagnées dans une salle de 50 m2

    Temps partiel trois jours par semaine

    Toutes ces mesures réduisent forcément la capacité d’accueil. Au final, d’un endroit à l’autre, 30 à 50 % des effectifs habituels devraient pouvoir faire leur rentrée le 18 mai. Soit moins que la demande des parents. De plus, ceux qui vont normalement au collège ordinaire ou à l’école de leur quartier, n’y iront pas pour le moment… et gonfleront donc les rangs de leur IME. 

    Le temps partiel à trois jours par semaine sera donc la règle. À la journée, et non par demi-journée, pour éviter les allées et venues. Sauf pour les cas prioritaires qui bénéficieront d’un temps complet : parents soignants, parents seuls devant travailler, enfants décrocheurs, familles vivant dans des logements peu propices au confinement…. Et les internats resteront fermés au moins jusque fin mai.

  • Loi Avia : en finir avec les insultes handiphobes en ligne ?

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    Mise en place d'un bouton unique de signalement, retrait des contenus illicites sous 24h... La loi Avia a été adoptée ce 13 mai 2020 à l'Assemblée. Le but : en finir avec le cyber-harcèlement, un fléau qui n'épargne pas les personnes handicapées.

     

    Un pas de plus dans la lutte contre l'handiphobie ! Controversée, la loi Avia, qui vise à mettre fin à l'impunité de la haine en ligne, a été adoptée ce 13 mai 2020, à l'Assemblée nationale. Selon les députés LREM, « les contenus haineux, déjà trop présents sur la toile, ont significativement explosé ces dernières semaines », depuis le début du confinement, et « montrent, une nouvelle fois, l'urgence de réguler les réseaux sociaux ». Sur le modèle d'une loi allemande de 2018, les plateformes (YouTube, Facebook...) et moteurs de recherche (Google, Qwant...) auront l'obligation de supprimer, sous 24 heures, les contenus « manifestement illicites » signalés au préalable par les internautes. Sont concernées les incitations à la haine, la violence, les injures à caractère raciste ou religieux ou encore les discriminations en raison de l'orientation sexuelle et désormais du handicap. Une belle « surprise » pour les associations du secteur.

    Le web, premier lieu d'expression de la haine

    « Alors que cela n'était pas indiqué dans la version initiale de la loi, et comme nous l'avions demandé, nous nous satisfaisons que les propos haineux et discriminatoires en raison du handicap y soient mentionnés », réagit Matthieu Annereau, président de l'APHPP, association pour la prise en compte du handicap dans les politiques publiques. Pour rappel, le handicap est, pour la seconde année consécutive, la première cause de discrimination en France (article en lien ci-dessous). Or, Internet est « le premier lieu d'expression de la haine aujourd'hui, déplore l'auteure de cette loi, la députée LREM de Paris, Laetitia Avia. Mais, pour l'heure, peu de plaintes ont déposées, peu d'enquêtes aboutissent, peu de condamnation sont prononcées. »

    Quand la stigmatisation retarde l'accès aux soins

    « Sal triso », « espèce de schizo », « suicide toi mongol »... Les réseaux sociaux accentuent la stigmatisation de certains troubles, et notamment la schizophrénie. Un fléau qui, au-delà d'être blessant, peut avoir des conséquences directes sur la prise en charge des patients. « Les préjugés qui en découlent entraînent un retard d'accès aux soins, des difficultés d'adhésion au diagnostic et donc aux traitements et, pire encore, un isolement social et affectif des malades qui supportent déjà un trouble douloureux », précise le professeur Raphaël Gaillard, président de la Fondation Pierre Deniker, à l'origine d'une étude sur le sujet (article en lien ci-dessous). De son côté, Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat au handicap, avait exprimé son souhait « d'aller plus loin » contre les insultes « blessantes » à l'égard des personnes atteintes d'un handicap mental comme la trisomie, appelant à « stopper cette discrimination », et pas seulement sur les réseaux sociaux.

    Bouton unique de signalement

    Pour changer la donne, le 5 mars 2020, le réseau social Twitter avait annoncé qu'il ne laisserait plus passer les attaques « déshumanisantes », fondées sur l'âge, la religion, le handicap ou encore la maladie. « Notre souci principal est de nous attaquer au risque de violences dans la vie réelle, et les recherches montrent que les propos déshumanisants augmentent ce risque », détaillait-il dans un communiqué. Animée par la même ambition, la loi Avia propose, notamment, la mise en place d'un dispositif unique de signalement (« bouton unique »), commun à toutes les plateformes. Par ailleurs, prévoit le texte, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) veillera au respect du devoir de coopération des opérateurs et pourra, en cas de manquement persistant, prononcer une sanction allant jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires annuel mondial. Les plateformes récalcitrantes s'exposent à une amende pouvant aller jusqu'à 1,25 millions d'euros en cas de non retrait de contenus illicites. Les signalements abusifs des internautes seront, quant à eux, passibles de 15 000 euros d'amende et d'un an d'emprisonnement. La loi prévoit, à ce titre, la mise en place d'un parquet et d'une juridiction spécialisés dans la lutte contre la haine en ligne.

    Une loi controversée

    « Le fait que cette loi soit le premier texte voté depuis le début du confinement en dehors des textes d'urgence est un symbole fort pour rappeler que nous ne baissons pas la garde quand il s'agit de protéger les internautes victimes de cyber-harcèlement, estime Laetitia Avia. Cela est encore plus nécessaire dans cette période de crise sanitaire et de confinement où les réseaux sociaux ont pris d'autant plus d'importance dans notre quotidien. » Damien Abad, président du groupe LR, lui-même en situation de handicap, n'est pas de cet avis. S'il concède que « tout le monde est d'accord pour lutter contre la haine en ligne », selon lui ce « dispositif est mal conçu ». « Avec l'ensemble des députés Républicains, je voterai contre la loi Avia, avait-il prévenu sur Twitter quelques heures avant son adoption, jugeant « les risques de sur-censure trop importants ».

    La CNCDH « inquiète »

    Même son de cloche pour les autres partis d'opposition mais aussi pour la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) qui se dit « inquiète » concernant ce texte qui menace « de manière disproportionnée la liberté d'expression ». « Ce dispositif renforce le pouvoir des grandes plateformes au détriment des autres acteurs qui n'auront pas tous les moyens d'appliquer la loi. En outre, la lourdeur de la sanction encourue risque d'encourager des retraits excessifs, faisant peser un risque de censure », estime-t-elle.
    Par ailleurs, la CNCDH regrette « le manque de dispositions de prévention dans le projet de loi et notamment de mesures ambitieuses concernant l'éducation au numérique ». Dès lors, elle recommande la mise en place d'un plan national d'action sur l'éducation et la citoyenneté numérique, à destination de l'ensemble des utilisateurs.

    La loi Avia, en résumé

    • Retrait des contenus manifestement illicites sous 24 heures, et des contenus à caractère terroristes et pédopornographiques sous 1 heure
    • Bouton unique de signalement
    • Obligation de moyens de modération proportionnés à l'activité de la plateforme
    • Contrôle et régulation sous la supervision du CSA, avec des sanctions jusqu'à 4 % du chiffre d'affaires mondial
    • Renforcement du blocage et de la lutte contre le financement des sites à caractère haineux
    • Création d'un parquet numérique spécialisé
    • Création d'un observatoire de la haine en ligne.