"Mon parcours a valeur d’exemple" : Damien Seguin, premier skipper handicapé sur le Vendée Globe

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Pour la première fois dans l’histoire de la course, parmi les 33 concurrents en lice, il y aura un skipper handicapé. Damien Seguin, né sans main gauche, va partir pour son premier tour du monde. L’aboutissement pour un marin que rien n’arrête, pas même la démesure d’un défi comme le Vendée Globe.

 

Ce matin-là, à quelques encablures de l’île de Groix, au large de Lorient, un vent plutôt agréable gonfle les voiles du bateau de Damien Seguin. "Ce sont de bonnes conditions pour faire nos derniers tests avant le départ du Vendée Globe, c’est nickel", explique avec un grand sourire le navigateur qui nous embarque à bord de son monocoque blanc et rouge aux couleurs du groupe Apicil. Le bateau file à bonne allure avec des pointes jusqu’à 17 nœuds, soit environ 30 kilomètres à l’heure.

Depuis une dizaine d’années, Damien Seguin est dans son élément : l’océan, après une carrière dans la voile olympique et deux médailles d’or aux Jeux paralympiques d’Athènes en 2004 et à ceux de Rio en 2016. Pourtant, rien n'a été facile pour le navigateur. En 2005, les organisateurs d’une course lui ont refusé de prendre le départ à cause de son handicap. "On m’a envoyé une lettre recommandée", se rappelle Damien Seguin.

Ces gens considéraient que je n’étais pas capable de naviguer en bon marin, ce sont les mots qu’ils ont employés. Ça fait mal.

Damien Seguin 

"Je comprends que des gens puissent se poser des questions sur comment je peux m’adapter sur un bateau avec une main, comment je peux faire des manœuvres, comment je peux assurer ma sécurité et celle des autres, confie Damien Seguin. Je n’ai pas compris la façon dont ils prenaient leurs décisions sans m’avoir vu naviguer, sans être venu discuter avec moi."

Une seule adaptation sur le bateau

Sa grande fierté aujourd’hui : être considéré comme un marin à part entière. D’ailleurs, rien ne distingue son bateau de celui de ses concurrents. À un détail près : la colonne de winch, cet élément que l’on surnomme aussi le "moulin à café" et qui permet de régler les voiles et de les lever dans le mât. Un exercice physique très prenant et qui nécessite la force des deux bras. "On a adapté un manchon, détaille le marin en train de s’échiner sur cette colonne. Je mets mon moignon dans le manchon et ça me permet d’utiliser la puissance du bras droit et du bras gauche en même temps". Pour le reste, le bateau n’a pas été aménagé pour lui et comme il aime à le répéter, "c’est plutôt à moi de m’adapter au bateau". 

 

Damien Seguin, né sans main gauche, n'a fait qu'une seule adaptation sur son bateau : un manchon pour pouvoir manœuvrer ses voiles. (JÉRÔME VAL / RADIO FRANCE)

 

Cette force de caractère qui lui permet d’être au départ de ce tour du monde, c’est ce qui plaît à son compère sur l’eau depuis une décennie, le navigateur Yoann Richomme. "Je suis très fier de lui, assure-t-il. Mener des projets de course au large, ce n’est déjà pas simple à la base. Les mener avec un handicap, ça l’est encore moins. Il a fait preuve de persévérance. Il a réussi à monter ses projets aussi en termes de qualité. J’ai fait trois transatlantiques avec lui. Il n’y a pas un instant où son handicap a posé problème."

Je n’ai aucun doute qu’il réussira son Vendée Globe.

Yoann Richomme, skipper 

Adolescent, Damien Seguin rêvait de Route du Rhum, cette traversée de l’Atlantique entre Saint-Malo et la Guadeloupe où il a grandi. Il a disputée cette épreuve mythique à trois reprises en 2010, 2014 et 2018.

Le voilà désormais face à un défi encore plus fou et il veut saisir cette occasion pour montrer que rien n’est impossible. "Je pense que mon parcours a au moins la valeur de l’exemple, reconnaît ce père de deux enfants. Je vois bien dans les témoignages que je reçois que ça donne une certaine forme d’espoir à des parents qui ont des gamins handicapés. J’ai la chance de faire un sport un peu médiatisé. J’ai la chance d’incarner quelque chose de positif. Tout ça fait partie de mon histoire et cette histoire-là, j’ai envie de l’écrire sur tous les océans du globe et de la partager avec le maximum de personnes", conclut-il. À 41 ans, Damien Seguin prouve qu’il peut jouer dans la même cour que les valides et être sur l’eau meilleur que certains d’entre eux.

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