Aide à domicile : des heures non assurées pourtant facturées

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Les allocataires ne doivent pas sortir d'argent de leur poche puisqu'ils paient la facture avec leur PCH. Mais ils ne peuvent pas reporter au mois suivant ces heures pourtant non consommées.

 

Une ordonnance autorise les services d’aide à domicile à faire payer aux allocataires de la PCH les heures qu’ils n’ont pas réalisées durant l’état d’urgence sanitaire. Cette mesure est destinée à assurer la survie de ces structures. Mais elle contrevient aux droits des personnes handicapées qui perdent alors le bénéfice des heures non consommées.

Le confinement a réservé son lot de surprises à Karyne Banrouch. Dont celle de devoir payer les heures d’aide à domicile que son service prestataire n’a pas assurées durant ces huit semaines.

Déborah, sa fille, a droit, dans le cadre de sa prestation de compensation du handicap (PCH), à 35 heures d’auxiliaire de vie par mois. En temps normal, deux salariées d’une association des Bouches-du-Rhône se relaient auprès d’elle. Mais en mars et avril, l’une d’entre elles, malade, n’a pas été remplacée. Et le service d’aide et d’accompagnement à domicile (Saad) a quand même facturé toutes les heures.

« Pendant le confinement, Déborah n’est pas allée à l’institut médico-éducatif puisqu’il avait fermé ses portes, raconte Karyne Banrouch. Je m’en suis donc occupée quasi à temps plein. Pour pouvoir souffler un peu, je pensais reporter en mai et juin la quinzaine d’heures non utilisées durant le confinement. C’est foutu ! »

Une facture basée sur le planning prévisionnel

D’autres parents ou personnes handicapées ont eu la même mauvaise surprise. Qu’ils aient décidé d’annuler les prestations pour limiter les risques de contamination. Ou que le Saad n’ait pas été en mesure de les assurer, par manque de personnel. lls ont reçu une facture correspondant au planning prévisionnel et non aux heures effectivement réalisées.

À circonstances exceptionnelles, pratiques exceptionnelles… et légales. L’ordonnance du 25 mars 2020 stipule en effet que « la facturation est établie à terme mensuel échu sur la base de l’activité prévisionnelle, sans tenir compte de la sous-activité (…) résultant de l’épidémie de Covid-19 ».

Faire-face.fr a pu vérifier que cela se pratiquait dans certains départements, comme les Bouches-du-Rhône (13) et les Côtes d’Armor (22). Mais pas dans tous : le Morbihan (56) par exemple.

Des heures payées avec la PCH

Concrètement, cette mesure ne coûte rien aux personnes handicapées. Ces heures sont en effet payées par leur PCH, financée par le conseil départemental (CD).

Dans le courrier adressé aux allocataires, le CD 13 prend bien soin de préciser que la facture porte « uniquement sur la partie du tarif préfinancée en tickets Cesu [le CD verse aux personnes les heures sous forme de chèques emploi service universel dont elles se servent pour payer les intervenants]. Aucun financement sur vos deniers personnels ne pourra vous être facturé pour des heures non réalisées. »

Des heures non réalisées et perdues pour l’allocataire

Reste que ces heures non réalisées sont désormais perdues pour l’allocataire. Or, habituellement, dans certains départements, il est possible de reporter le solde non consommé.

Et la loi adoptée en février 2020 par le Parlement donne une base légale au lissage, a minima sur six mois. Reprenons le cas de Déborah : si en juillet, elle n’utilise que 20 heures sur 35, elle a le droit d’utiliser les 15 restantes d’ici fin décembre. Certes, le décret d’application n’est pas encore sorti. Mais le principe légal est posé.

La survie des services mais au détriment des droits des personnes

« L’objectif est louable : éviter que les Saad, qui étaient déjà souvent dans le rouge avant la crise, ne mettent la clé sous la porte, en raison de la baisse de leur chiffre d’affaires », précise Line Lartigue Doucouré, la directrice politiques publiques et réglementations sectorielles de l’UNA, l’Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles.

« Les pouvoirs publics ont assuré la survie des foyers, IME, Ésat et autres établissements en garantissant leur financement. Même s’ils avaient fermé leurs portes ou accueillaient moins d’usagers que d’habitude, poursuit-elle. Ils doivent tout aussi naturellement sauvegarder les services d’aide à domicile, qui jouent un rôle essentiel. 

Le problème c’est que la solution retenue, telle qu’elle est appliquée par des départements, ne respecte pas les droits des personnes handicapées. Et ça, ce n’est pas acceptable. Il faut que les autorités compensent les pertes exceptionnelles des services sans léser les usagers. »

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